Felicia Yap - "Aux portes de la mémoires".

YAP Felicia - "Aux portes de la mémoire".

400 pages.

Éditions Harper Collins (2019).

«« Personne ne se souviendra de ce que je vais te faire. Personne sauf moi... » Le monde est divisé en deux catégories. Celle des Monos, qui peuvent se souvenir uniquement de la journée de la veille, et celle des Duos, capables de se remémorer deux jours entiers, la veille et l'avant-veille. Vous êtes une Mono, et un seul fil rouge vous relie au passé : votre journal intime. Chaque soir, vous y consignez les événements importants de votre journée. Chaque matin, votre journal vous rappelle qui vous avez été, qui vous avez aimé et ce que vous avez fait. Un jour, la police sonne à la porte. Le corps de la maîtresse de votre mari a été retrouvé dans la rivière. On vous annonce que c'est votre mari qui l'a tuée. Il y a 48 heures. Pouvez-vous faire confiance à la police ? À votre mari ? Et surtout, pouvez-vous vous faire confiance à vous-même ? Une troublante histoire de vengeance ancrée dans un monde où les nouvelles technologies sont les réceptacles froids, mécaniques de la mémoire humaine, et où les différences de caste cloisonnent la société.»

INCIPIT: "Laisse-moi te confier deux horribles secrets."

La quatrième de couverture englobe juste tout ce que j'adore, mêlant thriller et dystopie; et l'ensemble semble machiavélique. C'est donc avec beaucoup de curiosité que j'ai plongé dans ce récit haletant. Le roman est paru en 2018, dans la collection HarperCollins Noir, mais sous un autre titre, que celui de l'édition poche "Aux royaumes des aveugles". Et effectivement, après lecture, je trouve le second titre plus adapté. 

Dans un univers où les individus sont classés en fonction de leurs capacités mémorielles, cette ségrégation omniprésente divise la société en deux entités: les duos qui ont une mémoire résiduelle sur deux jours, tandis que les souvenirs des monos ne s'étendent qu'aux événements de la veille. C'est ainsi que Claire, une mono, a la surprise de voir débarquer un inspecteur accusant son mari d'avoir assassiné sa maîtresse, il y a deux jours. Mais quand est-il de la réalité? A qui peut-elle faire confiance?...

Le postulat de départ est plus que captivant, utiliser la mémoire comme moteur de l'intrigue est brillant, et ouvre des possibilités intéressantes quant aux développements de l'intrigue. Cela n'est pas sans rappeler le film "Memento" qui repose sur les mêmes bases. Felicia Yap insuffle un certain rythme au récit, en donnant la paroles à quatre de ses personnages. Il y a bien sûr, le couple mixte que forme Claire et Marc, fait rarissime dans une société aussi cloisonnée; celui de la victime et enfin Hans l'enquêteur chargé de résoudre ce meurtre. 

En jouant avec le fil conducteur de la mémoire, cela présuppose une manière de se souvenir des événements passés. Ici, les monos comme les duos retranscrivent religieusement leurs souvenirs dans un journal électronique, mais dans les circonstances présentent quelle confiance peut-on avoir dans cette nouvelle technologie tout à fait impersonnelle? Ainsi, progressivement le lecteur se rend compte de l'aspect aléatoire de la vérité concernant les jours passés, et surtout la confiance que l'on peut accordé à chacun. Car tous cachent des secrets. Felicia Yap développe, à l'aide d'une plume adroite et fine, le doute dans l'esprit de tous à commencer par le lecteur, et elle n'a plus ensuite qu'a déroulé le fil de son intrigue au mécanisme très bien huilé. 

Ce premier roman, dans lequel le lecteur plonge dans une société où la discrimination se porte sur la mémoire des individus. Éloignée en un sens de notre quotidien, elle s'en rapproche étrangement avec l'importance qu'on aujourd'hui les nouvelles technologies dans notre vie - que celui qui n'a pas une foule d'informations personnelles dans son téléphone lève la main - mais également l'augmentation de la maladie d'Alzheimer. Tout ça fait réfléchir, et malgré quelques couacs, ce thriller captive le lecteur quant à savoir ce qui s'est réellement passé, et comment la réalité a été manipulée. 

Je remercie les Éditions Harper Collins de leur confiance.