Fannie Flagg - "Beignets de tomates vertes"

FLAGG Fannie - "Beignets de tomates vertes"

474 pages.

Éditions J'ai lu (2009).

«"Un sacrée numéro, Idgie ! La première fois qu'elle a vu Ruth, elle a piqué un fard et elle a filé à l'étage pour se laver et se mettre de la gomina. Par la suite, elles ont ouvert le café et ne se sont plus jamais quittées. Ah ! Les beignets de tomates vertes du Whistle Stop Café ... J'en salive encore !" Un demi-siècle plus tard, Ninny, quatre-vingt-six ans, raconte à son amie Evelyn l'histoire du Whistle Stop, en Alabama. Il s'en est passé des choses, dans cette petite bourgade plantée au nord de la voie ferrée ! Et Evelyn, quarante-huit ans, mari indifférent, vie sans relief, écoute, fascinée. Découvre un autre monde. Apprend à s'affirmer, grâce à Ninny, l'adorable vieille dame.
Chronique du Sud profond de 1929 à 1988, ce roman tendre et généreux vous fera rire aux éclats et, au détour d'une page, essuyer une larme. Humour et nostalgie : une recette au parfum subtil ...»    

INCIPIT: "Le Whistle Stop Café a ouvert ses portes la semaine dernière, juste à côté de la poste où je travaille." 

Ce roman est idéal à lire l'été, sous un arbre ou au bord de la mer, en tout cas il éclaire la journée d'une lumière tendre et chaleureuse. "Beignets de tomates vertes" se déroule dans une petite ville du sud. Le récit alterne entre différents narrateurs et diverses périodes, ce qui peut sembler difficile à suivre au début. Il y a principalement deux trames, celle de Ninny Treadgoode dans les années 1985/1986 esseulée dans sa maison de retraite, et son passé qui s'étale sur une cinquantaine d'années à Whistle Stop.

Rapidement, le lecteur prend ses marques, et dévore avec curiosité et tendresse cette succession d'anecdotes et d'évènements qui émaillent la vie des habitants de Whistle Stop. C'est d'ailleurs le seul point discutable du roman, la brièveté des épisodes, qui se succèdent sans s'apesantir sur un personnage vivant un évènement important. Paf! Le récit saute dans un autre espace temps avec un narrateur différent, alors que le lecteur aurait peut-être aimé s'apesantir ou se délecter un instant avant de passer à autre chose.

Le fil conducteur de tout ceci est Mrs Cléo Threadgoode dite Ninny, une vieille dame qui loge désormais à la maison de retraite de Rose Terrace. Elle se souvient de la vie trépidante qui animait le Whistle Stop Café - entre autres choses - et plus particulièrement de la vie de la famille Threadgoode, dont elle a épousé un des fils. Le tout alterne avec les parutions de la gazette de Weems, rédigée par Dot. Délicieux...

Les habitants de Whistle Stop prennent vie, sous les yeux du lecteur, grâce au don merveilleux de conteuse de Ninny, qui fait nous fait partager des évènements drôles comme tragiques, avec une virtuosité délicieuse. Les personnages y sont nombreux, sans compter la grande famille Threadgoode avec son inénarrable Idgie, la douce Ruth et son fils, Big George, Sipsey, Onzell, Artis, puis de l'autre côté Evelyn...

Et puis bien sûr, il y a l'atmosphère magique du Whistle Stop Café, ce refuge pour les plus démunis, comme pour les esseulés, où la générosité et l'accueil chaleureux sont un havre de paix dans cette période troublée. Un roman proche quant à la période évoquée, et au racisme pourrait être "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de Harper Lee.

Au travers de cette chronique d'un petit village du Sud, l'auteur aborde également l'Histoire des États-Unis dans son ensemble, avec le racisme, le Ku Kux Klan, la position de la femme dans le couple et dans la société, la Grande dépression et la Seconde guerre mondiale. C'est dense, mais magistral et pourtant tellement léger que le lecteur en redemande et souhaiterait y rester.

Un livre tout en tendresse et en émotion, qui donne au lecteur l'impression, pendant un instant, d'avoir fait partie de cette merveilleuse famille. Un roman qu'on lit comme on dévorerait un beignet de tomates vertes - pour ceux qui en ont mangé.

CITATIONS: "Toutefois, elle avait remarqué que depuis quelque temps la lutte contre le cancer occupait la tête du hit-parade de la charité, et elle s'interrogeait sur les raisons de vivre dans un corps destiné à vieillir, à se détériorer et à souffrir. Pourquoi dans ce tas de chair éminemment périssable, et non dans une table en chêne ou une cuisinière voire une machine à laver?"

"Chaque fois qu'elle regardait sa paume, elle était persuadée que sa ligne de vie avait encore raccourci."

"Oh! Mrs Threadgoode, je suis trop jeune pour être vieille et trop vieille pour être jeune. Je n'ai de place nulle part."

"Elle disait que dès qu'elle sentait venir le cafard, elle n'avait qu'à penser au doux Jésus pour sentir son moral gonfler comme ces biscuits à la crème de lait qu'elle enfournait."

"Quand elle eut cacheté l'enveloppe, elle alla respirer à la fenêtre et sentit son coeur s'élever comme un ballon rouge lâché dans l'azur par un enfant."

"Les hommes! il est aussi difficile de vivre avec que de s'en passer."

"Une autre vérité vint la frapper avec la cruauté d'une averse au sortir d'un salon de coiffure: elle n'en avait pas, et ne pourrait jamais en avoir. Un destin funeste l'avait fait naître l'entrejambe libre de tout ballottement. A moins qu'elle ne se fasse faire une transplantation. Ed pourrait lui en refiler une des siennes, ou bien elle pouvait avoir les deux d'un moribond promis à la science. Elle se les ferait monter en pendentifs et les porterait dans les grandes occasions, histoire qu'on lui prête attention. Elle pourrait aussi bien en acheter quatre..."

"A propos, qu'y-a-t-il de plus triste que des jouets d'enfant sur une tombe?"

"Aussi depuis pas mal de temps, la mémoire d'Artis fonctionnait comme le Frolic Theater: on n'y jouait que des pièces légères, des comédies et des romances où il tenait la vedette en compagnie de beautés à la peau cannelle, aux croupes rebondies et aux yeux promettant des douceurs caramel...

Édit: J'ai découvert que du livre avait été tiré un film. De part mon expérience personnelle, je vous conseille vivement de lire le roman avant!!!

Comments

[La chèvre grise]

J'ai du voir le film avant de lire le roman il me semble. Et ça ne m'avait pas gêner. J'ai adoré les deux, surtout pour l'ambiance fabuleuse qui se dégage.

[Lupa]

En voilà un qui s'est miraculeusement glissé dans ma pile à lire, et à la lecture de ton billet j'ai vraiment hâte de le commencer !!! Merci pour cette bonne intuition confirmée :)