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9 juillet 2015

Jocelyne Saucier - "Les héritiers de la mine"

Saucier

SAUCIER Jocelyne - "Les héritiers de la mine"

222 pages.

Éditions Denoël (2015).

« Notre famille est l’émerveillement de ma vie et mon plus grand succès de conversation. Nous n’avons rien en commun avec personne, nous nous sommes bâtis avec notre propre souffle, nous sommes essentiels à nous-mêmes, uniques et dissonants, les seuls de notre espèce. Les petites vies qui ont papillonné autour s’y sont brûlé les ailes. Pas méchants, mais nous montrons les dents. Ça détalait quand une bande de Cardinal décidait de faire sa place.
– Mais combien étiez-vous donc?
La question appelle le prodige et je ne sais pas si j’arrive à dissimuler ma fierté quand je les vois répéter en chœur, ahuris et stupides :
– Vingt et un? Vingt et un enfants?
Les autres questions arrivent aussitôt, toujours les mêmes, ou à peu près : comment nous faisions pour les repas, comment nous parvenions à nous loger, comment c’était à Noël, à la rentrée des classes, à l’arrivée d’un nouveau bébé, et votre mère, elle n’était pas épuisée par tous ces bébés?
Alors je raconte…
Eux, c’est la tribu Cardinal. Ils n’ont peur de rien ni de personne. Ils ont l’étoffe des héros… et leur fragilité.
»
INCIPIT: "Quand le vieux hibou aux dents vernissées de nicotine a posé la question, j'ai cru que nous étions partis pour le folklore."   

8 - Pur délire

 

"Les héritiers de la mine" sont les vingt et un enfants de la famille Cardinal. Vous avez bien lu, vingt et un. C'est plus qu'une famille, davantage qu'une fratrie c'est une tribu. Ce roman choral voit se succéder quelqu'uns des enfants qui chacun à leur tour va raconter leur vie à Norco, et les derniers évènements qui déchirèrent la famille.

Les parents sont peu présents, LePère, prospecteur, obsédé par sa passion de la géologie, a découvert cette mine qui auraient pu les rendre riches. LaMère est, quant à elle, est enfermée dans sa cuisine d'ou elle tente d'organiser la vie du clan, aidée en cela par La Pucelle, sa fille aînée. Chacun des enfants est ainsi désigné d'un surnom par ses frères et soeurs. Il y a ainsi LeFion, le petit dernier de la fratrie, ou encore La Tommy, El Toro, Géronimo, Tintin, LeGrandJaune, et j'en passe.

Jocelyne Saucier, d'une plume Gouailleuse, raconte leur quotidien dans ce pays minier paumé et aride du fin fond du Canada, avec les affrontements entre Les Cardinal et les culs-terreux, les traditions de la famille, les places d'honneur sur le canapé, les promenades nocturnes de LaMère, Les fêtes d'anniversaire à coup d'explosifs, les peines des uns, les rêves des autres... C'est vivant, intense et tragique à la fois, car le drame sourde entre les lignes et le lecteur devine, imagine, mais il est loin du compte finalement.

L'auteur lâche sa bombe au travers de la voix du dernier des narrateurs, et le lecteur reste soufflé par les causes profondes de cet évènement et des décisions qui qui ont mené. C'est poignant, et malgré la vie bouillonnante de cette maisonnée, l'auteur dresse adroitement les portraits de chacun des principaux personnages impliqués, leurs émotions, les raisons de leur choix. Tous sont attachants, coriaces face à la dureté de la vie, au coeur de laquelle ils réussissent tant bien que mal à faire leur trou et survivre à leur passé.

Au coeur de toutes ces voix s'entrecroisent l'enchantement et la nostalgie du passé turbulent mais heureux à Norco, où le gang Cardinal sévit avec plaisir et horreur dans cette ville à l'abandon; et la douleur du présent lors d'un évènement officiel qui réunit pour la première fois en une vingtaine d'année toute la famille au grand complet, ou presque.

 

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Jocelyne Saucier offre ici un magnifique roman polyphonique et familial, sous couvert de tragédie et de jeunesse indomptable. Elle joue avec les mots, et entraîne avec plaisir le lecteur au coeur  de  la maisonnée fougueuse et trépidante des Cardinal. Cette lecture donne envie de découvrir la plume de l'auteur dans son premier roman "Il pleuvait des oiseaux".
CITATIONS: "Nous vivions dans la plus merveilleuse anarchie et j'adorais cette maison. les portes claquaient, les escaliers vibraient, les murs vrombissaient, la vie trépignait d'impatience dans cette maison, et moi, j'en avais la garde (...) c'est moi qui régnais sur le désordre de la maison."
"Angèle me regarde et me sourit. C'est léger et velouté. Une plume d'archange qui virevolte dans mon coeur. Une pensée bienveillante qui me protège."
"Le bonheur, tu le sais, nous en avons longuement discuté, je n'en voulais pas. J'avais mieux à faire que d'être heureuse dans la vie. J'avais des rêves tellement grands que je ne pouvais pas en rêver. Le bonheur n'était qu'un encombrement, une mollasserie qui allait affadir le goût de mes rêves."
"(...) nous devrions laisser les souvenirs se chamailler entre eux. "La nostalgie est une maladie de l'âme"."
"Il ne faut pas compter sur la chance. C'est une femme frivole qui va de l'un à l'autre sans se découvrir vraiment."
"Il n'a jamais été question de bonheur dans cette famille. On ne peut tout de même pas se désoler maintenant de ne pas y avoir eu accès."
"La pauvreté, tu sais, est une grande liberté. Quand on a pas à se battre pour la richesse et le pouvoir, il nous reste l'essentiel et c'est bien assez pour occuper une vie."

 

Je remercie les Éditions Denoël de leur confiance.

denoel

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Commentaires
T
J'avais hésité à le demander pour le lire et tu me fais un peu regretté, il avait l'air très bien!
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