"Un secret" de Philippe Grimbert, pp. 185 - Ed. Le livre de poche - 2006.
4ème de couv.
Souvent les enfants s'inventent une famille, une autre origine, d'autres parents. Le narrateur de ce livre, lui, s'est inventé un frère. Un frère aîné, plus beau, plus fort, qu'il évoque devant les copains de vacances, les étrangers, ceux qui ne le vérifieront pas...Et puis un jour, il découvre la vérité, impressionnante, terrifiante presque. Et c'est alors toute une histoire familiale, lourde, complexe, qu'il lui incombe de reconstituer. une histoire tragique qui le ramène aux temps de l'Holocauste, et des millions de disparus sur qui s'est abattue une chape de silence.
Première phrase.
"Fils unique, j'ai longtemps eu un frère."
Citations.
"Un "m" pour un "n", un "t" pour un "g", deux infimes modifications. Mais "aime" avait recouvert "haine", dépossédé du "j'ai" j'obéissais désormais à l'impératif du "tais".
"A leur, tour, sans le vouloir, ils avaient rayé de la liste des morts comme de celle des vivants, répétant par amour le geste de ses assassins."
"(...) ne resteront d'eux que des sacs abandonnés derrière un fauteuil. Des vêtements, des odeurs, un chien de peluche, des objets orphelins, quelques photos que l'on reléguerait dans l'ombre, et des pensées coupables, dont je supporterais le poids."
Lilly's feeling.
Encore une fois, (comme pour "le liseur" auquel je n'ai pu m'empecher de penser) j'ai été surprise par le contexte historique auquel je ne m'attendais pas. Je ne lis jamais les quatrième des couvertures avant de commencer un livre, car certaines, très mal rédigées, révèlent tellement d'informations que le lecteur n'a plus aucune surprise.
Ce livre est poignant mais sobre, sans tomber dans le pathos, il narre à travers le yeux d'un enfant, une histoire de famille et le poids des secrets qu'elle cache. Le lecteur découvre l'Histoire avec un grand H à travers l'histoire d'une famille tout ce qu'il y a de plus ordinaire. La seconde guerre mondiale vue de l'intérieur.
Le style de l'auteur est toute en subtilité. Il décrit des évènements déchirants et horribles, avec sobriété. Ayant baigné dans la psychogénéalogie, je n'ai pu m'empêché de faire des recoupements que je ne vous expliquerais pas car trop complexes et probablement barbants à lire, mais c'est très intéressant de voir l'histoire du narrateur sous cet angle. Je dirais juste que l'inconscient est une force imprévisible et très pertinente (limite seconde vue?!! ;) ).
Le lecteur s'immerge totalement dans cette vie bouleversée par un secret, qui tue par amour, mais aussi par ignorance. Tous ces évènements ont eu lieu par amour et à cause de l'amour. Je n'en dirais pas plus pour éviter de spoiler l'histoire comme c'est le cas sur de nombreux blogs... C'est assez délicat à expliquer mais je trouve que l'on ne peut pas parler de mensonge au sens strict du terme, avec tout ce qu'il y a de négatif et de nocif dans cette connotation. Le titre de l'ouvrage correspond mieux. C'est un secret qui prend tellement d'ampleur dans la vie de chacun qu'il crée un énorme malaise, qui ne pouvait qu'éclater.
Maintenant les points négatifs qui font pour moi que ce roman n'est pas un coup de coeur mais un moment de lecture poignant. C'est davantage une confession qu'un roman autobiographique, une forme de guérison par l'écriture. L'histoire étouffe sous les secrets et l'auteur rentre un peu dans ce concept en laissant peu de place au lecteur, et aux développements du récit. Ce dernier, trop court, dévide sa trame sans retenue. Il aurait pu être plus fourni et les personnages plus épais. J'aurai par exemple aimé en savoir davantage sur Louise ou Joseph le grand-père, mais surtout sur Hannah. Cette décision, inexpliquée, a des conséquences catastrophiques et je reste assez dubitative quant à ce que pourrait ressentir une mère dans cette situation...
En bref.
Une histoire forte écrite toute en pudeur et en douceur. Une histoire d'autant plus marquante qu'elle ne laisse pas insensible.
D'autres avis: Luna, Praline, Nanet, Amandine, Cajou.