"L'élégance du hérisson", de Muriel Barbery, pp. 359 - Ed. Gallimard - 2006.
4ème de couv.
" Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois.
Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches.
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. "
Première phrase.
"- Marx change totalement ma vision du monde, m'a déclaré ce matin le petit Pallières qui ne m'adresse d'ordinaire jamais la parole."
Citations.
"Il n'était pas dépourvu d'intelligence, bien qu'elle ne fût pas de l'espèce que le génie social valorise. Si ses compétences se limitaient aux affaires manuelles, il y déployait un talent qui ne tenait pas que des aptitudes motrices et, bien qu'inculte, abordait toute chose avec cette ingéniosité qui, dans la bricole, distingue les laborieux des artistes et, dans la conversation, apprend que le savoir n'est pas tout."
"Ce que veut dire cette phrase, ce n'est pas que les incompétents ont une place au soleil, c'est que rien n'est plus dur et injuste que la réalité humaine: les hommes vivent dans un monde où ce sont les mots et non les actes qui ont du pouvoir, où la compétence ultime, c'est la maîtrise du langage. (...) Les hommes vivent dans un monde où ce sont les faibles qui dominent."
"Lorsqu'il devient rituel, il constitue le coeur de l'aptitude à voir la grandeur dans les petites choses. (...) Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle dehors, les feuilles d'automne bruissent et s'envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et, dans chaque gorgée, se sublime le temps."
"La contemplation de l'éternité dans le mouvement même de la vie."
Lilly's feeling.
Que dire de "l'élégance du hérisson" si ce n'est whaou! Cela faisait très longtemps que je n'avait pas lu un livre de ce niveau. Bien sûr, il y aura toujours quelqu'un pour dire que l'auteure est pédante à utiliser cette foultitude de termes et ces tournures de phrases. C'est vrai, je me suis vu dès les premières pages relire plusieurs fois une phrase avant d'en comprendre le sens. Mais je trouve que ça fait du bien, preuve que mes neurones sont encore là.^^
Le registre du langage est très soutenu, j'ai appris de nouveaux mots tous les jours pendant que je lisais ce roman : conatus, réquisits, wabi, forclos, mathème, et j'en passe. Barbery fait également référence à toute une culture, notamment sur le Japon, les haïkus mais aussi les mangas, le cinéma, la peinture ... J'ai donc passer quelques longues minutes à découvrir sur Wikipédia des auteurs, des peintres inconnus... J'ai même eu la surprise de voir des références à Jiro Taniguchi et son magnifique "Quartier lointain".
C'est vrai que cette qualité d'écriture, qui je trouve est un hommage à la langue française, est un peu "fatiguante" à lire, mais les pensées développées au cours du récit font réfléchir. L'histoire devient presque secondaire, et le lecteur ne sait pas trop où Barbery veut aller, à part évoquer les classes sociales et la barrière des préjugés de chacun. Je n'en dirais pas davantage pour éviter de spoiler.
Ne pas lire ce paragraphe si vous avez l'intension de vous plongez dans "l'élégance du hérisson": "Mme Michel, elle a l'élégance du hérisson: à l'extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j'ai l'intuition qu'à l'intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes."
En bref.
Ce roman est une lecture ardue, mais qui fait du bien aux neurones. Il y a de beaux moments de poésie sur les petits plaisirs de la vie. A conseiller aux amoureux de la langue française, et aux autres pour qu'ils se fassent leur propre opinion. Regarderai-je le film? Je ne pense pas.
D'autres avis: Lasardine, Pimprenelle, Nymi, Akantha, Marmotte, Latrace, Anou, Hidile, Shanaa.